Le site Fipeco publie chaque année une note de synthèse, qui regroupe l’ensemble des “coûts de la SNCF pour le contribuable”. Elle propose une vision synthétique mais parfois confuse des différents flux financiers associés à la SNCF. En effet, elle agrège des flux de natures très différentes, ce qui peut prêter à confusion et fausser la compréhension des véritables enjeux financiers pour l’État et les autres acteurs publics. Cet article a pour but de clarifier ces flux en les séparant en deux catégories distinctes : d’une part, les subventions et paiements liés à la fourniture de services publics, et d’autre part, les coûts fixes, les investissements et les engagements financiers historiques de l’État. En mettant en évidence ces distinctions, nous cherchons à apporter une compréhension plus nuancée des finances de la SNCF.
Avant d’entrer dans le détail des flux financiers, il est important de rappeler que la SNCF, bien qu’encore parfois perçue comme un groupe intégré, se compose de plusieurs entités dont les périmètres sont de plus en plus indépendants. Ce morcellement progressif signifie que chaque entreprise du groupe (SNCF Voyageurs, SNCF Réseau, etc.) a désormais des missions spécifiques, souvent régulées par des cadres juridiques différents. Regrouper l’ensemble des flux financiers sous une seule bannière n’a donc plus le même sens qu’auparavant, et cela peut mener à une compréhension erronée de la contribution réelle de chaque entité aux finances publiques.
1. Services achetés par les autorités régionales (6.8 Md€)
Ces flux recouvrent le paiement par les autorités régionales de la réalisation du service des TER et des Transiliens. Ils sont conçus pour couvrir la différence entre le coût de ces services selon l’opérateur et les recettes issues de la ventes des billets, qui ne sont quasiment jamais équilibrées. Depuis la fin 2023, toute signature d’un nouveau contrat doit être soumise à un appel d’offre public, auquel peuvent participer tous les opérateurs agréés.
Il ne s’agit donc pas ici de subventions à la SNCF, mais de subventions à la réalisation d’un service public, sous forme de paiement d’un service à un prestataire. Ce prestataire peut être un autre que SNCF Voyageurs, comme ça sera très prochainement le cas entre Marseille et Nice où l’opérateur Transdev a été retenu.
2. Prise en charge des coûts de fonctionnement par l’Etat (3.3 Md€)
Cette catégorie recouvre 2 réalités distinctes :
- Le financement des Trains d’Équilibre du Territoire pour 0.4Md€ : ce flux est en réalité plus proche de la catégorie précédente : il s’agit ici du financement par l’Etat d’un service public de transport national, par un opérateur pouvant être mis en concurrence.
- Le paiement par l’Etat des redevances d’accès au réseau des activités TER et Transilien pour 2.9 Md€ : il s’agit ici pour l’Etat de couvrir les coûts fixes d’infrastructure imputables aux activités conventionnées. Ces redevances contribuent donc à la couverture du coût total supporté par SNCF Réseau.
3. Subventions d’investissement (6.2 Md€)
Il convient ici de distinguer :
- Les investissements réalisés par SNCF Voyageurs pour acheter de nouveaux matériels roulants, financés par les régions. SNCF Voyageurs agit ici comme prestataire pouvant être mis en concurrence, pour 1.9 Md€
- Les investissements sur l’infrastructure pour 4.3 Md€, qui se décomposent ainsi :
- Les investissements régionaux pour l’infrastructure (renouvellement ou développement) financés par les autorités régionales pour 1.3 Md€
- Les investissements nationaux pour l’infrastructure pour 0.9 Md€
- Le financement par l’Etat de la régénération du réseau pour 2.1 Md€
4. Charges d’intérêt de la dette reprise par l’Etat (0.8 Md€)
Il s’agit ici au moins partiellement d’une dette liée à la construction historique des lignes à grande vitesse, qui a fait l’objet de décisions nationales liées à l’aménagement du territoire.
5. Dividendes versés à l’Etat (-0.4 Md€)
La note a le mérite de tenir compte du fait que le groupe SNCF génère des dividendes, qui viennent en déduction des montants de subvention versés par l’Etat pour financer la régénération du réseau. Ces montants sont d’ailleurs en forte augmentation depuis 2021.
6. La subvention d’équilibre au régime spécial de retraite (3.2 Md€)
Cette subvention sociale est destinée à couvrir le régime spécial de retraite des employés de la SNCF, une charge spécifique liée à l’histoire sociale de l’entreprise.
Récapitulatif
Pour mieux visualiser la répartition de ces flux financiers, nous proposons deux tableaux distincts. Le premier regroupe les flux associés à l’achat de services publics, tandis que le second se concentre sur les flux relatifs au financement de l’infrastructure, à la dette et aux engagements sociaux.
SNCF Voyageurs | SNCF Réseau | |
Services achetés par les autorités régionales | 6.8 | |
Services achetés par l’Etat | 0.4 | |
Subvention d’investissement (matériel roulant et installations fixes de maintenance) | 1.9 | |
Total achat de services | 9.1 |
SNCF Voyageurs | SNCF Réseau | |
Subvention d’investissement | 4.3 | |
Couverture des coûts fixes d’infrastructure | 2.9 | |
Charges d’intérêt de la dette | 0.8 | |
Dividendes versés à l’Etat | -0.4 | |
Subvention d’équilibre au régime spécial de retraite | 3.2 | |
Total fonctionnement du système ferroviaire | 10.8 |
Ces distinctions permettent de clarifier la nature des contributions publiques au fonctionnement et au développement du système ferroviaire en France. En différenciant clairement les flux liés aux services publics des subventions d’investissement, on met en lumière les rôles spécifiques de chaque entité au sein du groupe SNCF. Cette approche permet de mieux comprendre les véritables coûts supportés par le contribuable et d’apprécier la diversité des missions assignées à la SNCF. Une telle analyse permet de mieux éclairer les débats publics sur le financement des transports en France.